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Crédits : Château Saint-Ferdinand

Noémie Tanneau
Godet save the king
 

C’est une belle histoire, mais pas que. N’importe quel vigneron girondin aurait pu être dégusté par le roi Charles III lors de sa visite d’État à Bordeaux fin septembre 2023. Mais n’importe lequel d’entre eux s’en serait aussi bien sorti ? Face au buzz qui lui est soudainement tombé dessus, Noémie Tanneau a su garder la tête froide et exprimer toute sa personnalité face aux multiples sollicitations. Un recul d’autant plus naturel que quelques jours avant ce coup de projecteur médiatique, elle était encore en difficulté financière. Installée depuis quatre ans, elle n’avait jusque-là pas pu se verser de salaire. Si Noémie Tanneau explique que ses ventes sont satisfaisantes, le poids de ses charges était trop lourd en regard pour dégager une rentabilité correcte, la contraignant à mobiliser des réserves personnelles pour tenir. Une résilience née d’une passion, initiée lors de sa reconversion professionnelle.

Après une première carrière dans le travail social, Noémie Tanneau a voulu se tourner vers le monde agricole, qui est devenu viticole de par son ancrage girondin (elle est originaire du bassin d’Arcachon) et un coup de cœur lors de premières vendanges (au château Pape Clément, grand cru classé de Graves, ce qui n’est pas vraiment représentatif de tout le vignoble bordelais s’amuse-t-elle aujourd’hui). Ayant obtenu en alternance le BTS de viticulture et d’œnologie du lycée viticole de Blanquefort (Médoc) en travaillant au château Haut Vigneau (Pessac-Léognan, avec le soutien et la formation de sa directrice technique, Karine Laroche), Noémie Tanneau a postulé en vain à des fonctions de maître de chai ou de direction technique dans la filière. Poursuivant sa formation avec le diplôme d’ingénieure agronome de Bordeaux Science Agro (avec l’option de management des entreprises viticoles), elle affirme son ambition de s’installer sur son propre vignoble.

Devant conseillère d’installation et de transmission pour la cave coopérative de Puisseguin Saint-Émilion, Noémie Tanneau y rencontre Annette Bion du château Saint-Ferdinand, qui prépare sa retraite et cherche un repreneur : ce sera Noémie Tanneau, qui relève le défi et entre dans un long tunnel de difficultés. Notamment face aux clichés sur Bordeaux. Se confrontant aux Bordeaux bashing sur des salons dont les visiteurs snobent par principe son stand, elle en sort confortée dans l’idée d’affronter la crise au sein d’un groupe : Bordeaux.

Pendant la crise covid, son profil de reconversion professionnelle fait écho à un besoin de nature sur les réseaux sociaux. Incarnant le travail de rénovation de fond des vins de Bordeaux (de l’engagement écologique au profil produit), Noémie Tanneau illustre le potentiel d’un vignoble girondin qualitatif et abordable, mais qui nécessite un déclencheur pour le faire connaître. Ici, il aura fallu un roi… Mais la sortie de crise n’est pas assurée pour la vigneronne, qui craint que le projecteur ne s’éteigne brutalement et ne la ramène immédiatement à des difficultés à régler ses factures et vivre de son travail. « Je ne me suis pas encore sorti le cul des ronces » lance-t-elle dans un rire. Croyant toujours dans la force du collectif (« je suis convaincue que l’on s’en sortira mieux ensemble que seuls, il faut se faire violence en période de crise »), elle a porté cette vision du vignoble bordelais dépoussiéré lors de ses multiples échanges avec la presse : « je leur parle toujours du dynamisme des vins de Bordeaux, mais c’est toujours coupé au montage… »

Pour poursuivre sa belle histoire, Noémie Tanneau sera mobilisée sous la nouvelle bannière "Bordeaux crafters" au salon Wine Paris & Vinexpo Paris du 12 au 14 février prochains.

 


Alexandre Abellan