X

 
Crédits : Vignobles Ducourt

Jérémy Ducourt
Pionnier de la première pluie
 

Pour son dix-neuvième millésime à Ladaux, en Entre-deux-Mers, le vigneron bordelais Jérémy Ducourt aura fait face à la pire pression mildiou qu’il n’ait jamais eu à affronter. Et il est loin d’être le seul, les vignerons de Gironde en particulier, et du Sud-Ouest en général, ayant connu une véritable annus horribilis en 2023. Faisant presque passer 2018 pour un bon souvenir... Exploitant 400 hectares en Gironde, les vignobles Ducourt ont dû traiter 9 fois en conventionnel et 18 fois en bio* (avec 5 kg/ha de cuivre) pour arriver à un rendement moyen inférieur à 30 hl/ha de vins rouges. Les seules parcelles à s’en tirer sont celles composées de variétés tolérantes au mildiou et à l’oïdium. Seulement 3 traitements de cuivre et de soufre auront suffi (pour 880 g/ha de cuivre), sans perte de récolte notable (mis à part quelques dégâts lié à un black-rot précoce).

Nourries par une rencontre en 2013 avec le vigneron languedocien Vincent Pugibet (domaine de la Colombette à Béziers) et plantées à partir de juin 2014 (après des réflexions au sein d’un groupe de travail du syndicat viticole de l’AOC Bordeaux), ces parcelles résistantes se sont développées jusqu’à 13 hectares à date. Et jusqu’à pouvoir prétendre pour certaines à l’AOC Bordeaux grâce à leur intégration en 2023 au cahier des charges de l’appellation (comme Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation : VIFA). Alors que les cépages pouvaient sembler immuables en AOC, ils se mettent à bouger : « si l’AOC n’innove pas, elle va péricliter. Bordeaux était beaucoup plus pluriel il y a 50 ans. Nous sommes dans une phase de rediversification » analyse Jérémy Ducourt.

Pour qui une voie d’avenir viticole passera par les cépages résistants : « on sait réduire de 30 % nos usages de phyto, on sait prendre les risques du sans CMR (phytos Cancérigènes Mutagènes Reprotoxiques), on sait s’adapter à une panoplie de traitements qui se restreint… Mais quand ça décroche à cause de la pluviométrie et de l’humidité, les pertes sont très fortes. » Si les résultats viticoles et œnologiques sont là, l’engouement commercial se fait encore attendre. Le besoin de pédagogie étant fort, alors que des consommateurs n’entendaient pas l’effet de réduction des phytos par rapport à l’idée que la bio se ferait sans traitements. Désormais certifiés bio, les vins de ces parcelles sont assemblés avec des emblématiques pour créer des passerelles et permettre l’essai de ces cépages innovants.

N'ayant pas encore trouvé de cépage résistant pour les vins rouges qu’il vise, Jérémy Ducourt martèle qu’il faut traiter un minimum les vignes résistantes pour réduire les risques de contournement de la résistance. Surtout dans les conditions météorologiques atlantiques qu’il connait si bien. Après son diplôme d’œnologie à Toulouse et quelques vinifications dans le Midi et Pessac-Léognan, Jérémy Ducourt est revenu au domaine on ne peut plus familial : son père étant à la direction technique, son frère au développement commercial et sa cousine pour les Ressources Humaines.

 

* Des parcelles n’ont pu être traitées autant, un incendie ayant ravagé les pulvérisateurs du domaine en mars 2023.


Alexandre Abellan